Voici pourquoi vous devriez y réfléchir à deux fois avant de partager des mèmes amusants à propos de la prise de poids


Si vous êtes comme des millions de gens qui essaient d’aplatir la courbe de la pandémie de la COVID-19 à l’aide de l’éloignement social, alors l’une de vos activités principales du moment est de faire défiler les publications sur les médias sociaux.
Au cours des dernières semaines, vous avez peut-être remarqué que le sujet de la prise de poids pendant la période de quarantaine est devenu très populaire. Vous êtes probablement tombé sur des blagues à propos de gens qui engloutissent une quantité de deux semaines de collations en un seul jour ou qui échangent leur garde-robe pour une « quatre-robe » comportant des vêtements de taille quatre fois plus grande. Vous avez peut-être même partagé de tels mèmes depuis vos comptes sur les médias sociaux. Qui n’apprécierait pas un peu de légèreté dans cette étrange nouvelle normalité?
En effet, les mèmes au sujet de la prise de poids récoltent des milliers de mentions « J’aime » et de partages précisément dû au fait que les gens se sentent concernés par ceux-ci en ce moment. Toutefois, même s’ils sont populaires, ils sont aussi très problématiques, souligne Allison Grupski, Ph. D., directrice, changement de comportement pour WW. Les mèmes et les blagues qui exploitent le poids du corps en échange de quelques rires peuvent avoir des effets négatifs à long terme que les utilisateurs des médias sociaux n’anticipent peut-être pas, dit-elle.
Si vous avez déjà partagé de tels mèmes, ne soyez pas trop dur envers vous-même, ajoute Julie O’Brien, Ph. D., directrice, changement de comportement pour WW elle aussi. Vous n’avez qu’à comprendre les faits pour la prochaine fois afin que vos intentions amusantes ne se retournent pas contre vous.
Dans les paragraphes suivants, Mme Grupski, Mme O’Brien et d’autres experts abordent quelques questions urgentes à propos du rôle et de la responsabilité de l’humour lors d’une crise mondiale.
Est-ce immoral d’avoir un sens de l’humour pendant une pandémie?
Il est en fait parfaitement normal de désirer un répit comique en ce moment. Le rire peut même être bénéfique lors des périodes difficiles. Une petite étude réalisée en 2019 et publiée dans la revue Current Psychology montre que plaisanter peut être une forme de « réévaluation cognitive », c’est-à-dire l’action de redéfinir les perceptions initiales d’une situation stressante pour faciliter la gestion des répercussions émotionnelles.
« Il n’est pas de nature immorale de propager de l’humour ou de rire de soi-même afin de gérer plus facilement une situation stressante », explique Rebecca Puhl, Ph. D., professeure en psychologie spécialisée en préjugés liés au poids et directrice adjointe du Rudd Center for Food Policy and Obesity à l’Université du Connecticut. « Mais cela devient problématique lorsque cet humour est utilisé au détriment des autres, lorsqu’il est insensible ou lorsqu’il renforce les messages stigmatisants. »
Alors, en quoi les mèmes de gain de poids sont-ils incorrects? Je ris de moi-même et non des autres.
Même si cela peut sembler être un commentaire amusant de votre part, s’adressant à vous-même, ce mème viral qui illustre « ma balance avant et après la quarantaine » a des répercussions potentielles allant au-delà de votre fil d’actualité. Fondamentalement, de telles blagues propagent des messages désobligeants au sujet de la prise de poids et de l’apparence physique, perpétuant des notions laissant croire qu’il est correct de se moquer des corps, dit Mme Puhl. Représentant une stigmatisation du poids, ce message est souvent assimilé par le récepteur et il peut exacerber les sentiments psychologiques comme le stress, l’anxiété et l’autoaccusation, selon une étude réalisée en 2019 et publiée dans The Lancet. Ce n’est probablement pas votre intention!
Il est tout aussi important de noter que les blagues à propos des « choix alimentaires faits en période de quarantaine » prennent à la légère de véritables épreuves. Des milliers de personnes partout dans le pays luttent pour accéder à des aliments nourrissants en ce moment, pendant que d’autres ont de la difficulté à demeurer actifs en faisant face à la maladie, le confinement ou les responsabilités pour prendre soin de leur famille. La dernière chose que quiconque a besoin de voir dans de telles situations est un mème manquant de sérieux au sujet de la prise de poids, souligne Mme Puhl.
Et si je ne fais qu’apprécier ces mèmes à titre personnel, sans les partager?
Vous faites ce que vous voulez, mais sachez que personne n’est à l’abri des effets négatifs de la stigmatisation du poids, explique Susan Albers, D. Psy., psychologue clinique à la Cleveland Clinic, spécialisée en troubles alimentaires. Même si vous ne faites que ricaner en regardant des blagues sur le poids sans les partager, leur message peut vous affecter tel que mentionné plus haut. Cela peut aussi établir une norme qui crée une prédiction en train de se concrétiser, mentionne Mme Albers. Si nous nous saturons de publications sur les médias sociaux qui nous disent que tout le monde prendra du poids pendant la pandémie, explique-t-elle, notre comportement pourrait inconsciemment nous entraîner vers cette voie.
Dans ce cas, y a-t-il un sujet sur lequel nous pouvons plaisanter?
Les médias sociaux fournissent de nombreuses choses amusantes qui ne sont pas fondamentalement nuisibles ou stigmatisantes, répond Mme Grupski, ajoutant que le rire est plus positif et puissant lorsqu’il rejoint tout le monde. Donc, avant de cliquer sur la mention « J’aime » ou de partager une macro d’image sur le fait de manger sous le coup du stress dans votre brève sur Instagram, posez-vous les questions suivantes : Cet humour prend-il l’épreuve de quelqu’un d’autre à la légère? Se moque-t-il de véritables insécurités ou vulnérabilités? Quelqu’un fait-il l’objet de cette plaisanterie sans le savoir? Vous ne devriez penser à partager une blague que si vous pouvez répondre « non » à ces trois questions, explique Mme Grupski. Personne ne prend du poids sous prétexte d’une blague.
Au contraire, les danses maladroites en famille publiées sur TikTok, les drôles de gaffes de vos animaux de compagnie et les blagues sur le fait de ne pas porter de pantalons lors de vos rencontres sur Zoom sont toutes des plaisanteries de bon goût (et aussi hilarantes).
En réalité, toutes nos vies sont bouleversées en ce moment. L’humour n’est qu’un seul outil à considérer parmi plusieurs stratégies potentielles d’adaptation qui peuvent vous aider à traverser cette période difficile. L’important, c’est de penser de manière à ce que vous vous sentiez confiant et maître de votre destinée, pour que vous puissiez vivre aussi bien que possible en visant vos objectifs. Vous pouvez aussi transmettre cet état d’esprit aux autres à l’aide de discussions motivantes et inspirantes – sur les médias sociaux et partout où vous avez établi des liens.
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Jessica DiGiacinto est corédactrice à WW. Auteure et rédactrice en santé et bien-être vivant à New York, elle a aussi été contributrice dans des médias comme Popsugar, Bulletproof 360 et Galvanized Media, pour ne nommer que ceux-là.