Qu’est-ce qu’on mange au Canada?

De quoi se compose la cuisine canadienne? Le chef Michael Smith nous aide à le découvrir.
Publié 4 juillet 2016

 

La poutine. Un délicieux et alléchant mélange de frites, de fromage en grains et de sauce. C’est souvent le premier mets qui nous vient à l’esprit quand on pense à la gastronomie canadienne. Mais est-il juste de réduire notre cuisine nationale à un plat de glucides servi de façon peu soignée, aussi savoureux puisse-t-il être? Est-ce vraiment là tout ce qu’on peut trouver sur une bonne table canadienne?

« La cuisine canadienne est d’abord et avant tout le produit des gens qui la font », explique Michael Smith, célèbre chef canadien, auteur, animateur de télévision et champion de la gastronomie. « On parle des gens qui récoltent les ingrédients, de ceux qui préparent les plats et de ceux qui les consomment ensemble. »

« Notre pays constitue une grande mosaïque et cela se reflète dans notre cuisine, qui est différente d’une région à l’autre, tout comme en Europe, en Chine ou en Inde. Nous formons une nation immense et nous avons des cuisines régionales dans tous les coins du pays. Ajoutons à cela toutes les incroyables influences ethniques, qui font de notre pays l’un des plus remarquables et des plus inclusifs au monde. »

La cuisine canadienne n’a plus de secret pour Michael Smith, qui est un pilier de la scène alimentaire du pays depuis des décennies. On voit toujours son visage sympathique sur les ondes de Food Network Canada ainsi qu’à diverses activités gastronomiques, quand il ne travaille pas aux cuisines de son restaurant Inn at Bay Fortune*, reconnu pour ses créations à partir d’ingrédients provenant directement de la ferme. Bien que les plats réconfortants traditionnels soient la base de la cuisine canadienne, Michael Smith dit constater un grand changement dans notre façon d’aborder les arts culinaires.

« Nous voyons une relève débordante de confiance et je crois que cela a eu pour effet de cultiver des microcuisines partout au pays. Ces nouveaux chefs utilisent des ingrédients et des techniques hors du commun et sont fiers de ce qu’ils produisent. Terre-Neuve est un bon exemple. C’est peut-être le dernier endroit sur la planète où l’on s’attendrait à voir naître une culture axée sur la cuisine indigène, mais c’est exactement ce qui se passe là-bas », dit-il.

Ce non-conformisme ne s’arrête pas au choix des ingrédients; les chefs canadiens commencent à s’exprimer au sujet de notre cuisine et de ce que nous avons à proposer au monde entier.

« Ils ont assez de confiance pour affirmer que nous sommes plus qu’un petit peuple et que nous avons autant de qualités que les autres nations. La modestie fait partie intégrante de notre culture, mais nous voyons qu’elle s’efface lentement en ce qui a trait à nos chefs, à notre cuisine et à nos connaissances gastronomiques en général. Quand c’est affaire de cuisine, nous n’avons plus peur de proclamer notre génie! »

En même temps que les cuisiniers canadiens améliorent leur technique et qu’ils gagnent en finesse, on constate aussi qu’ils sont de plus en plus enclins à utiliser des ingrédients du terroir. Nous avons davantage conscience de la richesse agricole de notre propre pays. Il n’est plus rare aujourd’hui de voir du wapiti ou des saskatoons au menu, car les gourmets en réclament.

Interrogé sur les tendances émergentes en cuisine, le chef Michael Smith mentionne d’emblée les plantes sauvages. « Au printemps et au début de l’été, on récolte ici même à l’Île-du-Prince-Édouard des crosses de fougère, des quenouilles, de l’ortie, des feuilles de pissenlit et des pousses d’épilobe pour les manger. »

Pour ceux qui pensent que l’ortie est une plante vénéneuse, il existe beaucoup d’autres façons de manger des produits du Canada sans trop s’aventurer.

Michael Smith propose par exemple de manger des lentilles. « La lentille est une culture étonnante. Elle est excellente pour la santé, excellente pour l’environnement et excellente pour nos agriculteurs. Elle se prépare facilement et ne coûte pas cher. Le Canada est un important producteur de lentilles et cette culture se porte très bien dans les Prairies. »

On peut aussi faire provision d’ingrédients du terroir en fréquentant les marchés ou des exploitations agricoles soutenues par la communauté. Plus frais et plus savoureux, les aliments produits localement ont aussi l’avantage qu’en les consommant, on vient appuyer la collectivité et contribuer à la conservation de l’environnement.

« Mangez ce qui vous entoure », conseille le chef Michael Smith. « Renseignez-vous sur les productions saisonnières dans votre coin de pays et profitez-en pleinement. »

La cuisine de notre pays prend une telle place aujourd’hui, qu’elle peut offrir à la population canadienne des plats de plus en plus fins et durables à consommer au restaurant ou à la maison. D’accord, mais qu’est-ce qu’on fait de l’humble poutine? Les mets traditionnels comme la tourtière et les tartelettes au beurre vont-ils devenir choses du passé? Ce n’est pas l’avis de Michael Smith.

« Je pense que l’une des idées les plus fascinantes à avoir émergé dans le monde culinaire au cours des cinq à dix dernières années est celle voulant que les aliments réconfortants aient aussi leur place dans la gastronomie. Il n’est pas nécessaire de faire de la cuisine haut de gamme pour être considéré comme un chef influent ou intègre », dit-il. Des plats simples comme d’impressionnantes grillades, un beau hamburger au fromage, un taco au poisson ou une assiette de riz et de dal peuvent tous avoir de la valeur en soi, à condition de bien choisir les ingrédients et d’y mettre du savoir-faire. »

En d’autres termes, la poutine n’est pas appelée à disparaître, mais plutôt à s’améliorer.

Donc, si vous cherchez à cuisiner « à la canadienne » le 1er juillet, vous n’avez pas à chercher plus loin que les ingrédients dans votre assiette et les gens autour de votre table pour organiser une fête du Canada vraiment extraordinaire. Inspirez-vous du chef Michael Smith et préparez son classique mets canadien préféré : une chaudrée.

« Elle regorge d’ingrédients locaux, mais aussi de tradition, car elle évoque bien des traits typiques des Maritimes », dit-il. « C’est tout empreint de simplicité. La chaudrée, c’est un plat qu’on devait pouvoir préparer quand on voyait le bateau rentrer du large. Entre le moment où le pêcheur quittait son embarcation et gravissait la colline pour arriver à la maison, la chaudrée avait été mise sur la table et l’attendait », raconte le chef d’un ton nostalgique. « C’est un plat rustique cuisiné à partir des ingrédients disponibles. Il n’y a rien de compliqué là-dedans. Mais nous en sommes quand même fiers. »

Chaudrée maritime aux moules © par le chef Michael Smith

DONNE 4 PORTIONS

  • 4 tranches de bacon, hachées
  • Un peu d’eau
  • 1 oignon, pelé et haché
  • 2 branches de céleri, hachées
  • Un généreux coup de vin blanc
  • 1 tasse (250 ml) de crème épaisse (35 %)
  • 1 tasse (250 ml) de lait
  • Deux boîtes de 5 onces (142 g) de viande de palourdes
  • 1 grosse pomme de terre pour la cuisson (non pelée) grossièrement râpée
  • 2 feuilles de laurier
  • Feuilles de 3 ou 4 brins de thym frais
  • Une boîte de 12 onces (354 ml) de lait évaporé non sucré, ou 1½ tasse (375 ml) de lait ordinaire
  • Une pincée ou deux de sel de mer et de poivre fraîchement moulu
  • Une poignée de feuilles de persil (sans la tige)
     
  1. Mélanger les morceaux de bacon dans une casserole à fond épais avec un peu d’eau. En ajoutant de l’eau au bacon cru, on risque moins de le brûler, car il libère progressivement son gras et brunit uniformément. Remuer à feu moyen-vif jusqu’à ce que les morceaux de bacon soient bien croustillants. Déverser la plus grande part du gras.
  2. Ajouter encore un peu d’eau pour dégager les morceaux goûteux collés au fond, puis ajouter les oignons et le céleri. Faire revenir pendant quelques minutes jusqu’à ce qu’ils ramollissent et qu’ils dégagent un bon arôme.
  3. Ajouter le vin blanc, la crème, le lait, la viande de palourdes, la pomme de terre râpée, ainsi que les feuilles de laurier et de thym. Amener le mélange à ébullition lente, en remuant fréquemment.
  4. Baisser le feu d’un cran ou deux et laisser mijoter jusqu’à ce que les râpures de pomme de terre ramollissent et épaississent la chaudrée en libérant leur amidon, environ 20 minutes. (Une pomme de terre pour la cuisson est ce qu’il y a de meilleur pour épaissir la soupe parce que sa chair riche en amidon et contenant peu d’eau se dissout si facilement.)
  5. Ajouter le lait évaporé (ou ordinaire) et continuer de remuer jusqu’à ce que le mélange soit bien chaud. Goûter la soupe et l’assaisonner de sel et de poivre. Incorporer le persil et servir immédiatement. 

Cette chaudrée peut être préparée un jour ou deux à l’avance et réchauffée. En fait, elle sera encore plus succulente si elle a reposé pendant une journée.

Variantes
Ajouter une cuillère ou deux de raifort à la chaudrée pour lui donner un goût particulier. Pour enrichir le plat pour une occasion spéciale, mettre beaucoup de saumon fumé. On peut aussi y mélanger des herbes fraîches au goût à la dernière seconde, traditionnellement de l’aneth ou de l’estragon, ainsi que des oignons verts. La chaudrée peut comprendre des morceaux de n’importe quel poisson, même du thon en conserve.

* Lien uniquement disponible en Anglais