Pourquoi la taille des vêtements ne veut rien dire

Viser d’être de taille « parfaite » peut provoquer en vous une vive déception, surtout lorsque vous réalisez à quel point les tailles dans les magasins de vêtements sont aléatoires.
Publié 11 mai 2018

Lorsque vous vous imaginez à votre poids idéal, les chances sont bonnes que vous vous imaginez aussi en train de choisir un vêtement d’une certaine taille dans votre placard. Il peut être utile de visualiser cet objectif, mais un brin de réalisme en ce qui a trait au fonctionnement du secteur de la vente au détail peut éviter qu’un chiffre potentiellement insignifiant devienne pour vous une obsession.

La vérité, c’est qu’il n’y a pas de système de référence standard pour les tailles parmi les fabricants de vêtements pour femmes, indique George Simonton, directeur du design de la marque de mode éponyme George Simonton, et professeur au Fashion Institute of Technology. « Si vous essayez une taille 8 de chaque designer, vous constaterez que chaque vêtement est ajusté différemment », ajoute M. Simonton. « Les designers développent leurs propres spécifications et mesures. » (Et quand il parle de designer, il veut dire chaque marque de vêtement, de Chanel à Cherokee.)

De plus, comme si ce n’était pas déjà assez compliqué, explique Jo Kallal, professeure des études de la mode et du vêtement à l’Université du Delaware, des différences peuvent aussi être notées au sein d’une même marque. « Le catalogue de vente par correspondance de Neiman Marcus vise un marché de masse plus que ne le font les stocks en magasin », mentionne Mme Kallal. « Les magasins ont tendance à offrir des tailles classiques, tandis que le catalogue propose des tailles plus amples. »

Marketing plutôt que mesures

Les experts du design conviennent que les fluctuations sont fondées sur le marketing. Bon nombre d’entreprises dans le secteur du vêtement mènent des recherches sur les données démographiques des clients et utilisent cette information pour développer les tailles, explique Elaine Perlov, directrice du marketing pour le commerce électronique de Dollhouse, une marque de vêtements pour jeunes femmes, et principale designer et propriétaire d’Immortal Coil. Souvent, plus le designer est haut de gamme, plus la taille est petite. En utilisant une taille 8 comme point de référence, elle cite des exemples de marque. « Une taille 8 de la marque Theory ressemble plus à une taille 6. C’est la même chose pour Marc Jacobs. Pour Dior, une taille 8 est plutôt comparable à une taille 4 », poursuit-elle. « Chez Gap, une taille 8 s’apparente plus à une taille 10, et la taille 8 de Old Navy et de Target est plutôt comme une taille 12. »

Mme Kallal explique : « les tailles sont utilisées comme outil de marketing dans le but d’attirer ou de conserver les clients ». Elle ajoute que certaines marques correspondent à des tailles et à des données démographiques spécifiques, selon la clientèle visée.

« Chez Ann Taylor, la différence entre la poitrine et la taille est de 7,5 pouces, et entre les hanches et la taille, la différence est de 10 pouces », signale Mme Kallal. « Pour Banana Republic, la différence entre la poitrine et la taille est de 9 pouces, et entre les hanches et la taille, la différence est de 12 pouces. À mon avis, Banana Republic attire une femme plus jeune, tandis qu’Ann Taylor attire une femme plus âgée qui a possiblement eu des enfants. »

Flatter la vanité

Puisque le corps de la femme est devenu plus grand au fil des décennies, les tailles visant à flatter la vanité, où les mesures sont plus grandes que la norme, sont devenues plus populaires. Les designers ont largement délaissé la norme nord-américaine des tailles de vêtement établie dans les années 1940 et 1950.

La designer Diane von Furstenberg explique « qu’au fil des ans, les tailles ont changé. Ce qui était autrefois une taille 12 est maintenant une taille 8 ». Mme Von Furstenberg ajoute que les tailles visant à flatter la vanité entrent en ligne de compte, mais précise que les changements sont attribuables à « une combinaison de facteurs. Les gens sont devenus plus grands au cours des 30 dernières années », dit-elle. « Cela s’est produit graduellement. Les femmes sont plus grandes et plus fortes. » Même les mannequins dont se servent les designers pour vérifier l’ajustement de leurs vêtements durant le processus de fabrication « sont beaucoup plus grandes qu’elles ne l’étaient » auparavant.

Mme Kallal indique que le virage des entreprises vers les tailles visant à flatter la vanité touche essentiellement l’aspect psychologique, avec comme objectif de faire sonner la caisse enregistreuse. « Les femmes aiment porter des tailles plus petites, ajoute-t-elle. Les tailles à un chiffre semblent plus plaisantes que les tailles à deux chiffres. Cela nous donne l’impression que nous n’avons pas changé de forme. »

M. Simonton donne l’explication suivante : « Donna Karan fait croire à chaque femme qu’elle est de taille 6 », dit-il. « Bon nombre de femmes ne veulent pas porter plus qu’une taille 8, même si la femme moyenne mesure 5 pi 4 ½ po et porte une taille 12 pour le haut du corps et une taille 14 pour le bas. »

Le marché des patrons de robe est l’un des rares secteurs où les tailles plus classiques sont toujours apparentes. La McCall Pattern Co. qui vend les patrons de couture Butterick, Vogue et McCall a établi une taille 8 comme suit : poitrine de 31 ½ po, taille de 24 po et hanches de 33 ½ po. Ces mesures sur le site Web de Banana Republic se trouvent entre les tailles 00 et 0.

Le couturier de Marilyn Monroe prétendait que ses mensurations étaient de 35 po-22 po-35 po lorsqu’elle a posé pour Playboy en 1953, selon le site MarilynMonroe.com. Malgré l’anecdote souvent citée qu’elle était de taille 12, elle serait plutôt de taille 2 ou 4 selon les normes américaines.

Comment trouver le bonheur en magasinant

Afin de surmonter la folie des tailles, les femmes devraient trouver des gammes de vêtements qui s’adaptent à la forme de leur corps. Bettyann Glasser, travailleuse sociale clinique et psychothérapeute, mentionne qu’il existe généralement, pour pratiquement chaque femme, « trois magasins qui peuvent répondre à leurs besoins et qui gardent leur taille en stock ». Tenter de glisser un corps Talbot dans un vêtement Bebe peut mener à de l’autosabotage. « Psychologiquement, c’est très frustrant pour les femmes qui se soucient déjà de leur poids », affirme Mme Glasser.

Mme Von Furstenberg est d’accord : « Il y a tant de magasins de vêtements qui répondent aux besoins de tous les types de corps. Vous devez trouver les vêtements qui vous font bien, puis les adopter. »