Pas de progrès sans douleur – vraiment?

Comprendre d’où vient la douleur après l’entraînement et savoir si elle est vraiment nécessaire pour progresser
Publié 6 juillet 2021

Dans les centres de conditionnement physique, on dit souvent qu’il ne peut pas y avoir de progrès sans douleur, mais est-ce vraiment le cas? Est-ce vraiment nécessaire d’avoir mal après s’être entraîné pour s’améliorer?

« À cette question, on peut répondre rapidement et définitivement par non », de dire Rachel Land, spécialiste en thérapeutique de Yoga Medicine®, professeure de yoga chevronnée E-RYT 500, dispensatrice de formation continue Yoga Alliance et membre de l’équipe d’enseignement de Yoga Medicine®.

« La douleur est une expérience complexe qui nous est propre et qui comprend à la fois des facteurs physiologiques et psychologiques. Il est plutôt difficile de la définir à l’aide de termes concrets et sans ambiguïté, mais dans tous les cas, ce n’est pas elle qui définit si une séance d’entraînement a été efficace ou non », dit-elle.

« Pour commencer, quand nous nous entraînons, c’est pour plusieurs raisons, et pas tout le temps pour améliorer notre performance. Ce peut être parce que c’est amusant, parce que cela nous donne confiance en nos capacités, parce que cela nous change de notre routine au travail ou à la maison, pour évacuer le stress, pour être plus en forme et de meilleure humeur, pour garder un poids santé et pour avoir des interactions avec nos amis et avec le monde extérieur. »

Mais même si le but de l’exercice est d’améliorer sa performance d’une manière ou d’une autre (force, endurance cardio, explosivité, vitesse), Mme Land affirme qu’il serait plus juste de dire « pas de progrès sans difficulté ».

« L’être humain est une créature d’adaptation : presque tous les systèmes du corps se transforment au fil du temps selon ce qu’on leur demande. Notre système immunitaire devient plus résistant quand il est exposé à des pathogènes, tout comme notre cœur apprend à travailler plus efficacement quand on lui demande régulièrement de pomper de grands volumes de sang. L’inverse est également vrai : les muscles et les os des astronautes s’atrophient dans l’espace, quand la gravité est moins forte. Donc, pour améliorer la performance physique de nos muscles, ou pour une circulation cardiovasculaire accrue, nous devons nous aventurer en dehors de nos capacités actuelles, mettre notre corps au défi pour qu’il puisse donner lieu à ces adaptations physiologiques positives. »

Par contre, explique-t-elle, il n’est pas toujours facile de déterminer le niveau de difficulté qu’il nous faut.

« Si la tâche est trop facile, il n’y aura pas d’adaptation, pas de changement. Par contre, si elle est trop difficile, elle peut dépasser notre capacité d’adaptation, ce qui peut nous causer de la douleur et nous blesser. »

D’ailleurs, puisqu’on parle de douleur, comment peut-on distinguer les bonnes douleurs des mauvaises dans le contexte de l’entraînement?

Les bonnes et les mauvaises douleurs lors d’un entraînement

« Parfois, quand on essaie de nouveaux mouvements, un nouveau type d’activité ou un niveau d’intensité supérieur, nos muscles peuvent être endoloris le lendemain et le surlendemain. C’est ce qu’on appelle les courbatures, ou la douleur musculaire d’apparition retardée », explique Mme Land.

Les scientifiques ne sont pas certains de ce qui cause les courbatures, poursuit-elle, mais « le consensus semble être qu’elles sont le résultat d’une combinaison inconnue de facteurs de stress mécaniques et métaboliques, y compris l’accumulation de sous-produits du métabolisme et de processus inflammatoires liés à la réparation de dommages microscopiques des muscles et des fascias. »

« Dans la plupart des cas, les courbatures sont inoffensives. Même s’il n’est pas nécessaire d’en avoir pour que l’entraînement soit efficace, on pourrait les catégoriser comme de bonnes douleurs : elles sont un signe que nos groupes musculaires touchés ont dépassé leur capacité actuelle. Les courbatures surviennent généralement un jour ou deux après un entraînement d’un type auquel nous ne sommes pas habitués : les muscles touchés semblent alors raides, tendus, douloureux et sensibles quand on les touche ou quand on les utilise. Ces sensations disparaissent en un jour ou deux. »

Les mauvaises douleurs, selon Mme Land, peuvent être à peu près tout le reste : les douleurs aigües ou qui perdurent, de même que d’autres symptômes comme la nausée, les maux de tête, les étourdissements et les changements au niveau de la respiration ou de la circulation.

« Quand un muscle est très douloureux ou semble étiré, et surtout si la douleur dure pendant plus d’un ou deux jours et qu’il y a enflure, alors vous avez peut-être un claquage. La douleur et l’enflure autour d’une articulation peuvent être signe d’une inflammation ou d’une blessure aux structures connexes, comme les tendons, les ligaments et les bourses séreuses. Si la douleur est aigüe ou électrique, ceci pourrait indiquer qu’un nerf a été touché. Portez attention à tout ce qui ne ressemble pas à une courbature et songez à demander l’avis d’un professionnel de la santé », dit-elle.

Quelques conseils pour se rétablir après l’entraînement

« Tous les athlètes semblent avoir leur propre protocole de rétablissement, mais à part formuler quelques suggestions générales – comme le fait que la déshydratation et le manque de sommeil peuvent empirer les courbatures –, les études scientifiques n’ont pas vraiment pu trouver de façons d’atténuer les courbatures », affirme Mme Land.

« Ce qu’on peut retenir, c’est qu’il est important de bien s’hydrater et de bien dormir. Pour la plupart d’entre nous, il peut aussi falloir prendre quelques jours de pause avant de reprendre l’entraînement qui a causé les courbatures; on peut faire des mouvements doux pour atténuer temporairement la douleur et la raideur, et employer d’autres techniques qui nous plaisent. »

Le mieux serait évidemment d’éviter que les courbatures se produisent, ajoute-t-elle. Pour ce faire, il faut prendre le temps de bien s’étirer avant l’entraînement, puis de retourner au calme après.

« Il faut aussi accepter de progresser lentement, d’augmenter l’intensité petit à petit et d’ajouter graduellement les nouveaux mouvements, surtout ceux qui nous font travailler de façon excentrée. »

Mais en fin de compte, il n’est donc jamais nécessaire de ressentir de la douleur pour que l’entraînement ait été efficace, affirme Mme Land.

« Pas de progrès sans douleur, c’est un adage désuet qui pousse certaines personnes à voir l’exercice comme une punition au lieu d’une source de plaisir et de satisfaction. »