Le stress secondaire existe-t-il?

Si vous avez l’impression que le stress d’autrui vous affecte, vous avez raison. La recherche révèle que le stress secondaire est un véritable phénomène.
Publié 15 mai 2018

Vous entretenir avec votre patron crispé. Parler avec votre partenaire tendu. Aider votre enfant anxieux à faire ses devoirs. Vous abordez ces situations de manière calme, détendue et posée, mais en ressortez à bout de nerfs et troublé. C’est parce que le stress des autres peut devenir votre stress.

Des études ont démontré qu’un processus appelé la contagion émotionnelle peut nous amener à absorber les émotions d’autrui, indique Pelin Kesebir, Ph. D., scientifique adjointe et psychologue sociale qui étudie le bonheur au University of Wisconsin-Madison Center for Healthy Minds.

« Nous sommes vraiment sensibles aux émotions des autres, » souligne Mme Kesebir. « En particulier, il est plus facile d’absorber des émotions négatives que des émotions positives. »

Comment « attrapons-nous » le stress?

De quelle manière le stress secondaire est-il transmis? Dans la contagion émotionnelle, deux réactions physiologiques surviennent simultanément, explique Mme Kesebir.

Voici ce qui arrive. Durant les interactions en personne, vous absorbez les émotions de l’autre personne par l’entremise d’un processus appelé le mimétisme facial, ou le mimétisme automatique, affirme Mme Kesebir. Lorsque vous interagissez avec une autre personne, vous imitez inconsciemment ses expressions faciales, sa posture ou ses gestes.

En revanche, le mimétisme facial crée ce qu’on appelle de la rétroaction faciale. « Par exemple, la personne avec qui vous parlez est stressée et fronce les sourcils, et vous faites de même, de manière inconsciente », ajoute Mme Kesebir. « Vous obtenez de la rétroaction de vos muscles et de vos gestes. Votre cerveau vous dit que vous froncez les sourcils. Vous devez donc être mécontent. »

Le mimétisme se manifeste invariablement pendant les interactions sociales, nous aidant à établir des liens émotionnels l’un envers l’autre. « Il peut aussi rendre les interactions plus naturelles et aider les gens à mieux interagir », indique Mme Kesebir. « Si une personne est stressée ou fâchée, vous traitez cette information. L’environnement extérieur vous aide à comprendre comment réagir de manière appropriée. »

Par contre, ce processus comporte un inconvénient. « Selon des études, les personnes plus empathiques – celles qui font preuve de plus d’empathie – ont tendance à “attraper” ces émotions plus rapidement. Elles adoptent aussi le mimétisme plus facilement », souligne Mme Kesebir.

Comment peut-on s’immuniser?

Il y a des choses que vous pouvez faire avant, pendant et après les interactions avec des personnes stressées qui peuvent contribuer à vous immuniser contre le stress secondaire, mentionne la psychiatre Patricia Normand, M.D., directrice du bien-être et de la santé intégrée au Service de psychiatrie du Rush University Medical Center à Chicago.

Avant d’interagir avec une personne stressée, abandonnez l’idée de pouvoir la changer. « Vous ne pouvez rien faire pour changer les autres. Ce que vous pouvez faire, c’est changer votre capacité à porter ce stress et déterminer comment vous souhaitez réagir, plutôt que de réagir de manière automatique », explique la Dre Normand.

Abordez la situation en anticipant les effets sur vous, conseille Mme Kesebir. « Cette prise de conscience vous protège en quelque sorte contre les effets négatifs. »

Pendant l’interaction, faites l’inventaire. « Pensez à ce qui se passe en ce moment, au stress présent », ajoute la Dre Normand. « Ensuite, réalisez que vous pouvez choisir comment y réagir, plutôt que d’y réagir automatiquement. »

Prenez une pause, soit en pratiquant des exercices de respiration profonde, soit en sortant de la pièce un instant. « Le stress nous emprisonne dans nos façons habituelles de réagir face à une personne ou à une situation. Ainsi, si nous prenons une pause et un peu de recul, nous pourrions être en mesure d’emprunter un chemin différent », souligne la Dre Normand. « Notre façon d’y réagir aura une incidence sur notre niveau de stress par rapport à la situation. »

Après l’interaction, prenez soin de vous. « Accordez-vous un moment de détente et de confort », déclare la Dre Normand. « Traitez-vous de manière bienveillante, comme vous le pouvez, afin d’éviter de rester coincé dans les répercussions de la situation stressante. »

Réfléchissez à la situation que vous venez de vivre afin d’en tirer des leçons. Par contre, ne faites pas que revivre l’expérience. « Revivre une situation à maintes reprises n’est qu’une sorte de rumination qui n’est pas utile », indique la Dre Normand. « Réfléchir à ce que vous pourriez faire différemment la prochaine fois, c’est différent de la simple rumination. Cela peut être utile. »

Comme pratique continue, Mme Kesebir et la Dre Normand recommandent une formation sur la pleine conscience pour composer avec le stress en général. Afin d’apprendre à prendre des pauses efficacement, la Dre Normand suggère de s’inscrire à un programme de réduction du stress par la pleine conscience (RSPC). Offert dans de nombreux hôpitaux et centres de la santé à l’échelle nationale, le programme de RSPC respecte un curriculum standard de huit semaines qui utilise diverses techniques de méditation pour gérer les facteurs de stress dans la vie de tous les jours. Si vous n’avez pas le temps, ajoute la Dre Normand, joignez-vous plutôt à un groupe de méditation local ou lisez des livres sur la pleine conscience – tout ce qui peut vous enseigner à rester centré pendant les situations stressantes.

Si le stress d’une autre personne au travail, à la maison ou ailleurs devient un problème chronique pour vous, Mme Kesebir et la Dre Normand vous recommandent d’évaluer la possibilité de vous retirer de cette situation ou de cette relation. De nouveau, prenez un peu de recul avant de prendre une décision. « Vous voulez réfléchir à ces points lorsque vous n’êtes pas en train de les vivre », explique la Dre Normand.