Tissez un rapport avec la nature

Passer du temps dans la nature est une des meilleures stratégies que vous pouvez appliquer pour votre santé et votre bonheur.
Publié 5 novembre 2018

À l’extérieur de la ville où j’habite se trouve un parc qui change ma vie chaque fin de semaine. Ses collines doucement ondulantes, ses sentiers de terre sinueux et ses vieux chênes sont mes bons amis. Après cinq minutes de randonnée, je sens que je me transforme. Mes sens s’éveillent et prennent conscience du soleil, du vent et des hurlements des coyotes. Le travail, le stress et tous mes autres tracas disparaissent et je réalise que j’appartiens à une entité plus grande que moi. Bref, je sais sans l’ombre d’un doute que j’aime la nature et, d’une certaine façon, j’ai toujours su qu’elle me le rendait bien.

 

De nos jours, nous n’avons pas tous l’occasion d’éprouver ce sentiment de joie. Notre société évolue de plus en plus dans des espaces intérieurs. Nous consacrons un temps excessif à des activités à l’intérieur et cette tendance découle sans doute de la montée en importance des ordinateurs, de la technologie et des exigences liées au travail dans nos vies, mais aussi des craintes (fondées ou non) de dommages causés par le soleil, du cancer de la peau ou même de maladies transmises par les tiques. Le problème est à tel point répandu que le journaliste américain Richard Louv a baptisé le phénomène « trouble déficitaire de la nature » dans son livre paru en 2015, Last Child in the Woods: Saving Our Children from Nature-Deficit Disorder. Cet ouvrage décrit le sentiment d’éloignement de la nature que nos enfants ressentent à force de passer de passer tant de temps à l’intérieur et si peu de temps à jouer dans la neige ou à patauger dans les ruisseaux. Or, s’éloigner de la nature a des effets sur nous tous, peu importe notre âge.

 

La plupart des gens sont quelque peu conscients de la toxicité de vivre à l’intérieur – s’asseoir pendant des heures, les épaules voutées, dans un fauteuil mou, respirer l’air vicié, fixer des yeux un ou plusieurs écrans électroniques. Cependant, nous ne nous rendons peut-être pas compte de l’impact profond que peut avoir sur nos esprits, nos corps et nos âmes une promenade dehors en présence d’arbres, de collines, du soleil et de cours d’eau.

 

Une euphorie naturelle

 

« Pour être véritablement en santé, nous avons besoin de la nature », explique Craig Chalquist, PhD, directeur du département de psychologie orientale-occidentale au California Institute of Integral Studies à San Francisco. « Notre évolution a eu lieu dans un monde naturel. La technologie nous garde si longtemps à l’intérieur que nous oublions que nous en faisons partie. » M. Chalquist donne des cours d’écothérapie, un domaine qui favorise le mieux-être grâce à des interactions avec la nature. Selon M. Chalquist, l’écothérapie s’inscrit dans le cadre des soins de la santé assistés par la nature (comme la zoothérapie ou la thérapie par le jardinage). « Le tout est lié à la théorie de la biophilie », dit-il. « Philie signifie “être attiré par” et biophilie signifie que nous avons évolué de manière à être attirés par la nature. C’est un sentiment inné que nous possédons et que nous avons en commun avec d’autres créatures. Autrement dit, nous savons instinctivement nous connecter à la nature. Nous n’avons pas à apprendre comment établir cette connexion. Lorsque nous regardons la nature, lorsque nous l’écoutons et lorsque nous respirons ses odeurs, nous entrons en contact avec nos origines profondes et celles de tous nos ancêtres. »

 

Un nombre croissant de travaux de recherche montrent à quel point la nature peut nous rendre plus heureux et sains. Une étude a démontré qu’un groupe de personnes qui a marché en forêt avait une pression artérielle moins élevée et une fonction pulmonaire améliorée tandis qu’un autre groupe qui a parcouru à pied la même distance en ville n’a constaté aucun bienfait. Et une étude publiée en 2015 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences a conclu que les participants à l’étude qui ont marché pendant 90 minutes dans de beaux paysages naturels ont vécu une baisse marquée de leurs pensées négatives mesurée par un sondage et un scanneur cérébral. Une autre étude encore a dévoilé qu’une promenade de 20 minutes dans un environnement naturel pourrait être aussi vivifiante qu’une tasse de café.

 

Les hautes sphères du plaisir

 

Des psychologues ont surnommé ce que je ressens lorsque je me plonge dans la beauté de la nature, soit ce sentiment d’éblouissement et d’effervescence, l’émerveillement. Dans un article fondamental publié en 2003, le professeur de psychologie Dacher Keltner, PhD, de l’University of California, Berkeley, et Jonathan Haidt, PhD, professeur de leadership éthique à la New York University, ont écrit que l’émerveillement est un sentiment qui se situe dans les « hautes sphères du plaisir, à la limite de la peur ». Ils ont expliqué que l’émerveillement est constitué de deux éléments : l’ampleur perçue (le sentiment qu’il existe quelque chose de plus grand que soi) et l’accommodement (notre besoin d’intégrer cette immensité au sein de notre esprit).

 

Voilà ce que je ressens (et ce que vous ressentez aussi sans doute) au pied d’une chute d’eau déchaînée ou au sommet d’une montagne ou même en admirant un ciel étoilé. Les soucis individuels comme une facture en souffrance ou une remarque blessante d’un collègue se dissipent. Je me souviens que la nature n’est pas seulement en dehors de mon être : j’en fais partie. Une étude de l’University of California, Irvine, suggère que l’émerveillement inspiré par la nature peut augmenter notre sentiment de compassion et de responsabilité envers les autres. Lorsque nous nous voyons dans le contexte d’un monde plus vaste, cela nous aide à relativiser et à nous sensibiliser au mieux-être des autres et de la nature comme telle.

 

Bien que l’émerveillement soit une émotion encore relativement peu étudiée, la recherche commence à démontrer qu’il pourrait aussi avoir un impact sur la santé physique. Une étude corédigée par M. Keltner en 2015 a découvert que les participants qui signalaient des sentiments d’émerveillement avaient des niveaux moins élevés d’une cytokine appelée interleukine 6; des niveaux élevés de la substance sont liés à l’inflammation, à la maladie auto-immune et à la dépression.

 

 

 

Le vent tourne

 

L’émerveillement est ce que tant d’entre nous ont perdu en restant à l’intérieur. Dans le monde entier, par contre, de plus en plus de gens éprouvent ce sentiment de perte et essayent de se réapproprier leur sentiment d’appartenance à la nature. Prenez l’exemple du shinrin-yoku, ou « bain de forêt », un phénomène japonais dans le cadre duquel on marche lentement dans des espaces boisés pour aider à réduire le stress. Des études démontrent qu’en mettant consciemment l’accent sur leur rapport avec la nature, les adeptes du bain de forêt peuvent rehausser leurs systèmes immunitaires, apaiser leurs nerfs et améliorer leur humeur et leur sommeil. La Forest Agency du Japan a créé le terme shinrin-yoku en 1982 et le pays compte maintenant 44 forêts attitrées.

 

Plusieurs médecins ont aussi souligné les bienfaits de passer du temps dehors. Certains ont même rédigé des ordonnances pour inciter leurs patients à sortir à l’extérieur et y faire de l’exercice afin de profiter des avantages pour la santé. « Il est rare de trouver une intervention médicale gratuite, à faible risque et facile à exécuter », explique le docteur Robert Zarr, MD, fondateur et directeur de Park Prescription at Unity Health Care et conseiller en ordonnances pour les parcs du National Park Service (Service national des parcs). « La logique dicte qu’on devrait toujours passer plus de temps dehors, mais il est parfois difficile pour les gens de changer. »

 

 

Il ajoute qu’il a constaté des améliorations évidentes par rapport à l’obésité, l’asthme et même les symptômes du TDAH chez ses patients qui suivent de près ses ordonnances. Il n’est pas nécessaire que le changement soit énorme. Même si vous ne pensez pas que votre parc local ou votre cour arrière soient dignes d’une admiration profonde, à certains niveaux ils le sont peut-être. Une méta-analyse d’études en 2010 a montré que votre humeur et votre estime de soi pourraient s’améliorer lorsque vous sortez dans la nature et bougez pendant aussi peu que cinq minutes à la fois.

 

 

Surtout, une fois que vous commencez, vous pouvez devenir un vrai accro. Une étude publiée dans Environmental Science and Technology (Science de l’environnement et de la technologie) a révélé que faire de l’exercice dehors a non seulement rendu les gens plus heureux, mais aussi les a amenés à répéter l’expérience régulièrement. Je sais que quelque chose m’attire encore et encore vers mon lieu spécial chaque fin de semaine. Peut-être que c’est l’émerveillement. Peut-être que c’est un sentiment de paix. Peut-être que c’est la joie d’être en contact avec tout ce qui m’entourait. Je sais, par contre, que je ne changerais pour rien au monde mes randonnées de fin de semaine dans la nature.