Manger à la canadienne
La poutine : C’est un délicieux mélange de frites, de fromage en grains et de sauce brune. C’est aussi souvent la première chose qui vient en tête lorsqu’on pense à un plat typiquement canadien. Est-ce vraiment juste? Notre cuisine nationale peut-elle réellement être représentée par une simple gibelotte de glucides, aussi savoureuse qu’elle puisse paraître. N’y a-t-il pas plus à la cuisine canadienne?
« D’abord et avant tout, pour moi, la nourriture canadienne représente les gens qui la produisent. Je pense à ceux qui rassemblent les ingrédients, à ceux qui les préparent ou à ceux avec qui on les partage », dit Michael Smith, chef cuisinier canadien de renom, auteur, animateur à la télévision et ambassadeur culinaire.
« Nous formons une belle grande mosaïque qui transparaît dans notre cuisine. Les habitudes culinaires diffèrent d’une région à l’autre, à l’image de ce que nous voyons en Europe, en Chine ou en Inde. Nous sommes un énorme pays qui propose une grande diversité culinaire. Nous avons le privilège de compter une riche diversité d’influences ethniques qui font de nous le pays le plus inclusif et formidable au monde. »
Agissant depuis des dizaines d’années comme personnalité phare de la cuisine canadienne notamment à titre de visage familier sur la chaîne Food Network Canada, d’invité spécial aux évènements gastronomiques partout au pays ou exploitant son incroyable restaurant qui n’utilise que des ingrédients frais locaux, Michael Smith s’y connaît très bien en cuisine canadienne. Alors que les plats classiques et réconfortants forment la fondation de la cuisine canadienne, Smith perçoit un important changement dans l’approche culinaire des gens.
« Nous comptons aujourd’hui une génération de chefs cuisiniers canadiens confiants. Par ailleurs, je crois que cette confiance donne lieu à la création de microcuisines partout au pays. Nos chefs s’intéressent à différents ingrédients et à différentes techniques, puis sont fiers de ce qu’ils ont. Terre-Neuve constitue un bon exemple. Ce serait sans doute la dernière place au monde où vous penseriez voir émerger une importante culture culinaire indigène... mais c’est précisément ce qui se passe là-bas » affirme Michael Smith.
Cette attitude audacieuse ne se limite pas qu’aux ingrédients; les chefs cuisiniers canadiens commencent à se montrer loquaces au sujet de notre cuisine et de ce que nous avons à offrir, et ce, à l’échelle internationale.
« Nous avons désormais la confiance pour dire “Nous avons ce qu’il faut. Nous n’avons rien à envier à personne.” Nous sommes un peuple humble; voilà l’un des traits intrinsèques de la culture canadienne. Par contre, un vent de changement souffle sur nos chefs, notre cuisine et la culture culinaire dans son ensemble. Que ce soit les gens qui rassemblent, qui préparent ou qui partagent les aliments, nous nous affirmons et nous disons “Nous sommes géniaux!”. »
Alors que la cuisine canadienne a connu au fil des années des améliorations sur le plan technique et des gains en matière de sophistication, il existe également un mouvement axé sur l’utilisation d’ingrédients locaux et issus de la biodiversité indigène. Nous sommes de plus en plus conscients des excellents produits issus de notre propre pays. Alors qu’il a déjà été difficile de trouver le wapiti ou la baie de Saskatoon sur les menus de restaurants, les goûts des Canadiens sont en train de changer.
« Pour ma part, ce sont les aliments cueillis », dit le chef Michael Smith, lorsqu’on lui demande les tendances culinaires qui commencent à s’enraciner. « Nous sommes au printemps, au début de l’été, et nous travaillons avec la crosse de fougère, la quenouille, l’ortie, les feuilles de pissenlit et les pousses d’épilobe. Ce sont toutes des choses que nous cueillons en ce moment à l’Île-du-Prince-Édouard. »
Pour ceux qui pensent qu’une crosse de fougère est la tête d’un violon (tête-de-violon!), il y a plein d’autres façons de manger à la canadienne sans trop sortir des sentiers battus.
« Mangez des lentilles », dit le chef Smith. « Les lentilles sont une récolte fantastique. Elles sont très bonnes pour la santé, elles sont excellentes pour l’environnement et elles sont géniales pour nos agriculteurs. De plus, elles sont faciles à préparer et bon marché. Nous approvisionnons le monde entier en lentilles. Il s’agit d’une énorme culture agricole dans les Prairies qui offre un rendement exceptionnel. »
Vous pouvez également remplir votre panier d’ingrédients locaux dans les marchés agricoles locaux ou les fermes du réseau de l’ASC (agriculture soutenue par la communauté). Manger des ingrédients cultivés dans la région vous permet d’aider votre communauté, de diminuer les répercussions sur l’environnement et de bénéficier de repas plus frais et plus savoureux.
« Mangez ce qui se trouve autour de vous », conseille le chef Smith. « Apprenez à connaître les saisons dans votre communauté. Intégrez-les. »
Compte tenu de tout ce qu’il y a à célébrer sur le plan culinaire au Canada, les Canadiens peuvent s’attendre à avoir accès à des repas de plus en plus sophistiqués et dont les ingrédients sont issus de pratiques de plus en plus durables, et ce, à la maison comme au restaurant. Et que dire de la bonne vieille poutine? Est-ce la fin du règne des plats classiques et réconfortants canadiens comme la tourtière et les tartelettes au beurre? Le chef Smith croit que non.
« Je crois que l’une des choses les plus fascinantes à s’être produite dans le monde culinaire au cours des cinq à dix dernières années est d’avoir rendu les aliments réconfortants dignes de respect. Ce n’est pas nécessaire d’être un chef de haute cuisine pour faire preuve d’intégrité », dit-il. « De délicieuses recettes sur le BBQ, des hamburgers au fromage, des tacos au poisson, de plats de riz et de daal... Tous ces plats simples peuvent revêtir une intégrité. La provenance des ingrédients peut être gérée étroitement et on peut alors utiliser les ingrédients pour mettre à l’œuvre la créativité culinaire. »
Autrement dit, la poutine est là pour rester. Elle ne fera que s’améliorer.
Alors, si vous voulez monter un menu canadien à l’occasion du 1er juillet, vous n’avez qu’à vous inspirer des ingrédients dans votre assiette et des gens autour de votre table pour créer un véritable festin proprement canadien. Ou faites comme le chef Michael Smith et cuisinez l’un de ses mets canadiens classiques préférés : la chaudrée.
« En plus d’être remplie d’ingrédients locaux, elle regorge de tradition. Elle représente tellement de choses des Maritimes... Ne serait-ce que sa simplicité. L’idée de la chaudrée était d’avoir un plat qu’on pouvait préparer lorsqu’on voyait le bateau se diriger vers le port. Le temps que la personne débarque du bateau et monte la colline pour se rendre chez elle, la chaudrée était prête et l’attendait sur la table », dit-il avec un brin de nostalgie. « C’est un plat tout simple qui utilise les ingrédients que vous avez sous la main. Ce n’est pas compliqué. Nous en sommes fiers aujourd’hui. »
Chaudrée de moules des Maritimes © Par le chef Michael Smith
DONNE 4 PORTIONS
- 4 tranches de bacon, hachées
- Un soupçon d’eau
- 1 oignon, pelé et haché
- 2 branches de céleri, hachées
- Un filet généreux de vin blanc (au choix)
- 1 tasse (250 ml) de crème (35 %)
- 1 tasse (250 ml) de lait
- Deux boîtes de 5 oz (142 g) de chair de palourde
- 1 grosse pomme de terre (non pelée), râpée grossièrement
- 2 feuilles de laurier
- de 3 à 4 brins de thym frais
- Une boîte de 12 oz (354 ml) de lait concentré non sucré ou 1 1/2 tasse (375 ml) de lait ordinaire
- Une ou deux pincées de sel de mer et de poivre fraîchement moulu
- Une poignée de persil plat
- Mettre les morceaux de bacon et un soupçon d’eau dans une marmite à fond épais. L’ajout de l’eau au bacon cru diminue les risques que le bacon brûle lorsque le gras fond tranquillement et permet une cuisson uniforme. Mélanger à feu moyen-vif jusqu’à ce que le bacon soit bien croustillant. Enlever la majorité du gras.
- Ajouter un autre soupçon d’eau pour déloger les morceaux savoureux au fond, puis les ajouter à l’oignon et au céleri. Faire sauter pendant quelques minutes jusqu’à ce qu’ils ramollissent et dégagent une délicieuse odeur.
- Ajouter le vin blanc, la crème, le lait, la chair de palourde, la pomme de terre râpée et les feuilles de laurier et de thym. Amener le tout à ébullition, en brassant régulièrement.
- Abaisser le feu d’un ou deux crans et continuez de faire mijoter jusqu’à ce que la pomme de terre ramollisse, que les féculents s’en libèrent et que la chaudrée épaississe, environ 20 minutes. (Il est préférable d’utiliser une pomme de terre pour la cuisson au four pour épaissir la chaudrée en raison de sa teneur élevée en féculents et de la facilité de dissolution de la chair à faible teneur en humidité.)
- Ajouter le lait concentré (ou ordinaire) et continuer de brasser jusqu’à ce que le tout soit bien chaud. Goûter la chaudrée, puis saler et poivrer au goût. Incorporer le persil et servir immédiatement.
- Si vous le désirez, cette chaudrée peut être préparée une ou deux journées à l’avance, puis réchauffée. Son goût s’enrichit lorsqu’on la laisse reposer pendant la nuit.
Variation
Pour une saveur différente, ajoutez-y une ou deux cuillerées de raifort. Pour une occasion spéciale, ajoutez-y beaucoup de saumon fumé. Vous pouvez même y incorporer l’une de vos herbes fraîches préférées juste avant de servir. L'aneth, l'estragon sont des exemples classiques ou encore de l’oignon vert. Vous pouvez également y incorporer des morceaux d’un poisson de votre choix, même le thon en boîte.