5 façons de vivre son deuil pendant une pandémie
Si vous avez vécu de grandes difficultés dans votre vie personnelle pendant la pandémie de coronavirus, il se pourrait très bien que vous ressentiez à la fois de la tristesse, de la colère et de la peur. Vous pourriez aussi vous sentir vidé, épuisé et détaché des rythmes normaux de la vie. Les émotions comme celles-ci sont tout à fait naturelles dans les circonstances : c’est ce qu’on ressent souvent quand on est en deuil.
Selon la croyance populaire, le deuil est quelque chose qui survient nécessairement à la suite du décès d’une personne qui nous est chère. Toutefois, cette réaction profondément humaine peut en fait se produire chaque fois que l’on vit une perte importante, explique Robert Neimeyer, Ph. D., directeur du Portland Institute for Loss and Transition. En plus du bilan dévastateur qu’a eu la pandémie sur la vie humaine, des millions de gens ont perdu relations, emplois et foyers – de quoi perdre tout son sens fondamental de la sécurité et de la stabilité, affirme-t-il. Aujourd’hui, nous sommes nombreux à être en deuil tandis que nous naviguons dans cette réalité qui semble altérée.
Même s’il est tout à fait naturel, le deuil peut nuire à notre bien-être si on ne possède pas des outils efficaces pour le vivre, affirme Toni Miles, M.D., Ph. D., épidémiologiste à Athens, en Géorgie (É.-U.), et spécialiste du deuil. Différentes complications comme les troubles du sommeil, la perturbation des habitudes alimentaires saines, le mauvais usage de substances psychoactives et le retrait des activités ordinaires ne sont pas inhabituelles, dit-elle. Des changements comme ceux-ci pourraient expliquer partiellement pourquoi le deuil est associé à un risque accru de dépression, de maladie du cœur et de troubles cognitifs, comme la perte de mémoire.
Quelques stratégies pour vivre son deuil
En suivant différentes étapes pour gérer notre deuil, il est possible de favoriser notre bien-être, car cela nous aide à explorer nos sentiments difficiles, à comprendre le deuil, à y trouver un sens et à prendre soin de nous, explique M. Neimeyer. Vous trouverez ci-dessous quelques techniques toutes simples pour vivre votre deuil en santé ainsi que des liens vers des ressources susceptibles de vous aider, si vous en avez besoin.
Permettez-vous d’être humain.
« Les personnes endeuillées ont parfois l’impression qu’elles doivent rester fortes et en contrôle, ou alors d’avoir la même présence mentale qu’avant leur perte », affirme Elizabeth Crunk, Ph. D., chercheuse sur le deuil et thérapeute à Washington. « Par contre, cette pression qu’elles s’ajoutent peut empirer leur stress et les empêcher de vivre et de relâcher la douleur qu’elles ressentent, alors que cette étape est nécessaire pendant le deuil. » Donnez-vous donc la permission d’être endeuillé : il est tout à fait normal de ne pas être au meilleur de sa forme en ce moment.
N’hésitez pas à demander de l’aide.
Parfois, quand on est en deuil, on se sent isolé. On a mal, on a peur que notre tristesse crée un fardeau pour d’autres personnes et on manque d’énergie pour en parler. Ce qu’il faut savoir, par contre, c’est qu’en parlant de notre expérience de deuil et de ce qui nous manque, nous pouvons adoucir notre solitude et enrichir nos liens sociaux, dit Mme Crunk. Aussi, des études laissent entendre que le soutien social que l’on reçoit aide le corps à réguler ses réactions face au stress.
Pour faciliter un peu les communications, vous pourriez vous établir un calendrier régulier d’appels avec vos amis et votre famille, ou alors sortir chaque semaine avec eux (en vous assurant de respecter les lignes directrices de sécurité en lien avec la COVID-19). Vous pourriez aussi essayer de vous joindre à un groupe de soutien en ligne ou à une communauté spirituelle qui se rassemble régulièrement. Sachez dans tous les cas qu’il n’existe pas de « bonne » manière de parler de la douleur qu’on ressent. Le message peut sortir sens dessus dessous ou de façon décousue, précise Mme Crunk. L’important, c’est de l’avoir partagé.
Bougez comme vous pensez pouvoir le faire.
Soyons clairs : il n’est pas du tout essentiel de vous lancer dans un énorme plan de mise en forme pendant que vous vivez votre deuil (ni de le poursuivre, si vous aviez déjà commencé). Si la dernière chose dont vous avez envie, c’est de vous faire suer dans un cours de cardio d’une heure, permettez-vous d’y aller plus mollo. Les travaux de la Dre Miles laissent entendre qu’il pourrait suffire de faire régulièrement un peu d’activité physique de faible intensité – par exemple se promener pendant 10 minutes ou faire une miniséance de yoga – pour éviter le déclin de sa santé. Ceci est possiblement attribuable à la réduction de l’inflammation ainsi qu’à la libération de neurotransmetteurs associés à l’amélioration de l’humeur et de la cognition.
Rétablissez une certaine structure dans vos journées.
Les grands deuils aggravent le stress, car ils mettent en évidence l’imprévisibilité de la vie, affirme Mme Crunk. Voilà pourquoi elle recommande de réserver une partie de la journée, tous les jours, à faire une activité que l’on aime ou qui nous calme. Ce pourrait être méditer, prier, écrire dans un journal intime, écouter de la musique ou s’amuser à créer quelque chose. En plus de l’apaisement que vous en tirerez, vous obtiendrez une dose de régularité au quotidien, rappel de ce que vous pouvez contrôler.
Si vous êtes sorti du droit chemin pour vos autres routines importantes, comme le sommeil et la planification des repas, ne vous en faites pas trop. Des gestes tout simples peuvent vous aider à retrouver le cap.
Sachez reconnaître quand l’aide d’un professionnel pourrait vous être utile.
Il n’existe pas de limite de temps pour vivre un deuil. Cela dit, les professionnels de la santé mentale commencent à s’en préoccuper s’il nous empêche de bien prendre soin de nous-mêmes ou de bien participer à la vie sociale, professionnelle et familiale pendant plus de six mois, affirme M. Neimeyer.
La pandémie de COVID-19 ne semblant pas s’arrêter de sitôt, pour un grand nombre d’entre nous, les difficultés que nous vivons risquent d’être plus longues que celles causées par un événement ponctuel. Si à tout moment vous vous sentez dépassé par votre deuil, vous devriez au moins envisager d’en parler à un thérapeute spécialisé dans ce domaine, dit M. Neimeyer. Ces conseillers peuvent vous donner des outils pour gérer les émotions turbulentes associées au deuil, pour l’explorer et en tirer un sens, ainsi que pour renégocier votre identité dans ce contexte. Vous trouverez des spécialistes en deuil sur le site Grief.com ainsi que par The Center for Loss and Life Transition (les deux en anglais seulement). L’American Psychological Association propose également un guide utile pour commencer sa thérapie.
Et n’oubliez pas : vos sentiments n’ont rien de mal ni d’anormal. Le deuil peut prendre bien des formes différentes et même changer de jour en jour. « Pour vraiment vivre notre deuil, nous avons besoin de pleurer, de réfléchir, de rire – sans rien sauter », de dire M. Neimeyer. Prenez conscience du point auquel vous vous trouvez aujourd’hui et sachez que vous avancez encore et toujours vers la guérison.
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Katherine Schreiber, M.A., travailleuse sociale qualifiée autorisée, est travailleuse sociale et journaliste pigiste à New York. Elle est l’auteure du livre The Truth About Exercise Addiction: Understanding the Dark Side of Thinspiration. Suivez-la sur Twitter @ktschreib.